mercredi 19 mars 2008

Le bilinguisme électoral illégal?

Voici une brève analyse de la décision du Conseil d'Etat rejetant le recours dirigé contre la décision par laquelle le Ministre de l'Intérieur a supprimé la diffusion d'exemplaires supplémentaires en allemand des professions de foi et des affiches des candidats aux élections politiques.

Le Conseil d'Etat a reconnu que depuis 1919 l'ensemble des élections a fait l'objet d'instructions ministérielles ou de décisions explicites ou implicites des autorités permettant aux candidats de joindre à leur déclaration en français envoyée aux électeurs, une traduction en allemand de celle-ci et d'accompagner les affiches en français prévues pour les emplacements officiels d'une seconde affiche identique rédigée en allemand, ces documents rédigés en allemand étant remboursés dans les mêmes conditions que celles prévues pour les déclarations et affiches en français. Par ailleurs le Conseil d'Etat a admis que, par les mentions figurant dans le mémento publié fin 2007 à l'usage des candidats aux élections municipales de mars 2008, le Ministre de l'Intérieur doit être regardé comme ayant abrogé les instructions antérieures autorisant en Alsace et en Moselle la prise en charge d'un exemplaire en allemand, en plus de l'exemplaire en français, des documents électoraux.

Cependant le Conseil d'Etat a affirmé que le régime antérieur à l'instruction attaquée était contraire aux dispositions du Code électoral qui n'en font pas mention (article R 29 et R39). S'agissant donc d'un régime illégal, le Ministre de l'Intérieur était tenu d'abroger ce régime. Dès lors, les arguments tirés de l'incompétence du Ministre de l'Intérieur de l'existence d'un vice de procédure et d'une erreur manifeste d'appréciation sont inopérants, ce qui veut dire que, même si ces arguments sont fondés en droit, ils ne peuvent justifier l'annulation d'une décision que le Ministre de l'Intérieur était légalement tenu de prendre afin de ne pas poursuivre l'application d'un régime illégal. Dans ces conditions, le Conseil d'Etat a rejeté la requête.

Cet arrêt est critiquable à plusieurs égards. S'il est exact que le régime particulier à l'Alsace et à la Moselle de traduction en allemand des documents électoraux n'est pas mentionné dans les articles R 29 et R 39 du Code électoral, il n'en résulte pas pour autant que ce régime est illégal. Le Conseil d'Etat déduit du seul fait que ces modalités particulières ne figurent pas dans le Code électoral pour retenir leur illégalité. A ce compte, nombres de dispositions du droit local non codifiées seraient illégales pour ce seul motif. Le seul fait de formuler clairement une telle argumentation suffit pour établir son inconsistance. En réalité il faut rechercher si, au moment où ce régime particulier a été institué, les auteurs de ces directives disposaient de la compétence pour adopter une telle règle. Or, il est admis de façon générale que ce régime particulier a été institué en 1919 par le Président du Conseil, Ministre de la Guerre. Cette autorité était effectivement compétente pour prendre une telle mesure en raison des pouvoirs exceptionnels qui lui avaient été confiés sur les « territoires désannexés ». Par la suite, cette règle n'a plus été remise en cause et est donc restée en vigueur, de la même manière que sont restées applicables bons nombres de dispositions prises par le Président du Conseil sur la base des mêmes pouvoirs. Le fait que, par la suite, cette directive n'a pas été codifiée, ne lui a pas fait perdre sa valeur. Les instructions ultérieures des ministres de l'Intérieur successifs, confirmant l'application de ce régime dans les trois départements de l'Est, n'ont pas constitué des décisions nouvelles mais se sont borné à reconnaître la validité de cette instruction antérieure. Quoi qu'il en soit, le Ministre de l'Intérieur n'avait pas compétence pour modifier ou supprimer ce régime qui relève aujourd'hui du domaine du décret. Il est donc pour le moins curieux de considérer comme légale l'abrogation de ce régime par une autorité incompétente au motif que ce régime serait devenu, on ne sait quand, illégal. Tout au plus, aurait-il été fondé de refuser d'appliquer un régime illégal et aurait-il dû engager son abrogation selon les règles de procédure applicables.

La suppression de ce régime de traduction en allemand des documents électoraux a eu comme conséquence qu'à de rares exceptions ces documents sont désormais rédigés exclusivement en français, même si aucun texte, ni aucun principe, n'exclut la faculté de recourir à une autre langue dans ces documents. C'est ainsi un des derniers vestiges du bilinguisme public qui disparaît en Alsace. De nombreux élus se sont émus de cette situation et ont exprimé des protestations. Le recours devant le Conseil d'Etat ayant été rejeté, la seule action encore possible consiste pour les parlementaires alsaciens à déposer une proposition de loi ou un amendement à un texte législatif tendant à rétablir le régime abrogé.

Culture et Bilinguisme d'Alsace et de Moselle, le 14 mars 2008

3 commentaires:

D'presidant a dit…

J'ai adressé cette lettre au Président de la République Française lorsque j'ai entendu le verdict du Conseil d'Etat
Elsass, min Land, min Leebe

Monsieur le Président,

Ce matin, une goutte d'eau a fait déborder le vase; le Conseil d'Etat a jugé les professions de foi en Allemand, pour les élections en Alsace-Moselle, illégales et ce depuis 1919.
Cette décision est à mes yeux lourdes de conséquences puisqu'elle est l'aveu même de la non-reconnaissance de la spécificité Alsacienne. L'Histoire de l'Alsace est complexe et ne se confond que partiellement avec l'Histoire de la France. Avec la construction de l'Europe, j'osai espérer que ces vieilles querelles linguistiques disparaîtrait. Oui, le dialecte Alsacien est toujours vivant, oui, l'Alsace est frontalière avec l'Allemagne, et nombreux sont les Allemands qui ont choisi d'élire domicile en Alsace, et oui, il y a encore des Alsaciens vivants qui ont été à l'école Allemande pendant la seconde guerre mondiale. Alors pourquoi serait-il illégal d'imprimer des professions de foi en Allemand? Est-ce ce visage que la France veut donner à l'Europe, un ensemble de pays ne communiquant que dans leur langue nationale?
Monsieur le Président, je ne me reconnais pas dans la politique française. L'Alsace, probablement sous l'influence de ses voisins Allemands et Suisses, a toujours été très sensible aux questions environnementales. Les récents efforts qu'a bien voulu faire la France dans ce domaine, sont insuffisants. Je suis certain que si l'Alsace avait plus d'autonomie politique, nous pourrions améliorer la condition environnementale beaucoup plus rapidement.
Pour avoir étudier en Allemagne et au Danemark, je dois dire que je déplore la mauvaise qualité de l'éducation en France. Là aussi je pense que si on accordait une certaine autonomie à l'Alsace pour moderniser une éducation obsolète, il serait possible de mieux préparer les générations futures au monde du travail.
L'Alsace de part sa situation géographique ne peut se contenter d'être unilingue. A mes yeux, cette région se doit d'être trilingue(français allemand anglais)pour favoriser les relations internationales mais aussi parce qu'avec le parlement européen implanté à Strasbourg, il serait honteux de se limiter à la langue française comme moyen de communication.
Je n'ai pas la prétention de vous écrire au nom de l'Alsace tout entière, mais j'ai le sentiment que mes idées ont de nombreux adhérents en Alsace. Je vous sollicite pour organiser un référendum en Alsace quant à accorder une certaine autonomie politique (au moins sur l'éducation et l'environnement) à cette région. Vous êtes un homme d'action, et vous savez combien il est difficile de faire évoluer les choses en France, aussi si l'Alsace servait de "laboratoire expérimentale" à des changements profonds dans l'éducation et l'environnement, vous pourriez montrer à la France tout entière que les réformes font avancer un pays lorsqu'elles vont dans le bon sens. L'Alsace est un très bon élève de la classe France, sa balance commerciale et l'excédent des caisses de la sécurité sociale en témoignent, aussi, Monsieur le Président, je pense que vous pouvez avoir confiance en l'Alsace pour servir de modèle aux autres régions pour moderniser la France et la sortir de l'immobilisme.

Avec mes remerciements anticipés et mes sentiments respectueux

Unsri Heimet! a dit…

Soli Herr Präsidant!

Je doute de la volonté des Bàriser de faire de l'Alsace un "laboratoire" tout simplement car l'idéologie républicaine ne reconnait que l'Individu et non pas la communauté (linguistique, dans notre cas). Il ne saurait y avoir de priviligiés, même si cela va dans le bon sens et pourrait renforcer l'économie française. Ansi, l'argument avancé par les détracteurs du bilinguisme est systématiquement celui de l'Egalité républicaine (jalousie pathologique française).

J'ai toujours pensé que la France est irréformable, un Gulliver empêtré comme se plaisait à dire Adrien Zeller. Paris se préoccupe peu de ses provinces, n'allons pas par souci d'Egalité ou d'Universalisme réclamer l'autonomie pour toutes les régions, le Concordat pour tout les Français. Charité bien ordonnée commençant par soi même, faisons preuve comme les Parisiens d'égoïsme, ne pensons qu'à l'Alsace ainsi qu'à l'Europe et oeuvrons pour nos libertés et notre héritage multiséculaire. Le chemin est long mais l'avenir nous appartient.

De plus, vous conviendrez que l'EN est le Propagandastaffel de la République. Jamais le pouvoir central n'accordera l'autonomie en matière d'éducation... pardon, d'instruction.

A noter que le premier ministre Fillon nous avait promis un débat après les Municipales sur les langues minoritaires de France. Verba volant!

Au fait, avez vous reçu une réponse de notre omniprésident? Merci de bien vouloir la publier.

En Gruess un bis nächste Mol üf üssre Websyte.

D'presidant a dit…

Salu bisamma

je viens juste de recevoir ce mail aujourd'hui suite à ma lettre au Président de la République Française.
ils auraient répondu "am arsch lacka" que ça serait revenu du pareil au même
hopla,
salu

Cher Monsieur,

Le Président de la République a bien reçu votre message.

Chargé de vous répondre, je puis vous assurer qu'il a été pris connaissance avec attention de vos préoccupations avant de les signaler à Madame la Ministre de la Culture et de la Communication.

Bien cordialement.

Le Chef de Cabinet

Cédric GOUBET