mardi 8 avril 2008

Idiots utiles

L'opération était digne d'un poisson d'avril. Ce mardi 1. avril, une poignée de parents monolingues d'enfants eux aussi monolingues de la maternelle de Buhl (Guebwiller/Gawiller) se sont donnés rendez-vous pour manifester contre l'ouverture prochaine d'une classe bilingue. Sur les 4 classes monolingues, 1 disparaitra au profit d'une classe bilingue d'une vingtaine d'élèves, engendrant une moyenne de 30 bambins dans les classes monolingues. Trop pour les parents d'élèves, ce qui peut se comprendre. Mais de là à remettre en cause le bilinguisme, c'est aussi de trop pour nous. L'éternel argument fallacieux est laché (et c'est bien le seul): "il n'est pas acceptable que le développement souhaité et souhaitable du bilinguisme se fasse au détriment des autres classes (monolingues)" [1]. Qu'on se le dise, la politique linguistique Canada dry menée localement ne s'apparente en aucun cas à une mesure violente ou d'une tentative de germanisation/défrancisation forcée, fantasme encore ancré dans bien des crânes! Rien à voir avec ce que nos parents et grands-parents ont dû subir après-guerre par simple bêtise et intolérance. Passer du jour au lendemain d'une langue naturelle (Muttersprache) à une langue étrangère (Fremdsprache). Révolue l'époque où il était interdit de "cracher et de parler alsacien" et "chic de parler français". Nein, Einsprachigkeit ist kein Vorteil mehr. Zweisprachigkeit ist die Zukunft Elsass und Europas. Cependant, le deux poids, deux mesures subsiste! Arrêtons l'hypocrisie et ce reniement systématique de soi. La langue française se porte elle, plutôt bien. Celle qui crève dans l'indifférence la plus totale, c'est l'alsacien, unser Elsasserditsch, l'allemand d'Alsace et bien entendu, sa forme écrite, le Hochdeutsch.

Une mère s'est malencontreusement invitée parmi les manifestants et a osé brandir le charmant message suivant: "Pourquoi privilégier l'enseignement bilingue? L'Egalité on l'enseigne petit, non?" Sauwitzig! Heureusement que le ridicule ne tue pas.

*
En Alsace, on a encore un peu de pétrole à Pechelbronn mais des idées, gar nix! Les troubadours strasbourgeois, last Elsässer standing also known as H. Dreikaus & R. Siffert, aimeraient aussi leur "Bienvenue chez les Ch'tis". Bah voyons! Notre Roscher régional se verrait sans doute bien dans le rôle de Doni Bohn, Alaman primitif, rustre et alcoolique retranché dans son Willerthal ne jurant que par Gottverdammi. "Un film qui permettrait de nous enlever cette image de boches" [2], déclare t-il. De Roschi het racht, l'Alsace ça schmeckt encore trop le Teuton mais n'est-ce pas cela que le touriste d'outre-Vosges recherche? Par ses propos, notre Kulturpapst en chef comme d'habitude courbe l'échine et se fait finalement complice de l'uniformisation linguistique. Wer schweigt, stimmt zu! Enfin tant que ça paye les bananes...

Quant au film de D. Boon qui est, reconnaissons le, une adorable comédie, il n'est malheureusement que l'arbre qui cache la forêt. Le picard (ou ch'ti) est-il encore une réalité aujourd'hui? Des dialectes, il en restera quelques bribes de vocabulaire ici et là prononcées avé l'accent. Rappelons aussi à nos lecteurs que le film a été tourné à Bergues/Bergen, localité flamande dont l'identité a sciemment été occultée par les médias. Il n'y a pas de place en France pour la langue et la culture des "boches du nord", pas plus pour ceux de l'est.

[1] In L'Alsace, édition du 2/04/2008
[2] In DNA, édition du 29/03/2008

Aucun commentaire: