lundi 10 novembre 2008

90 ans après, l'Histoire nous parle

On nous adresse souvent le même reproche: "Qu'avez-vous à vous plaindre Alsaciens-Lorrains, vous vous retrouvez toujours aux cotés du vainqueur!". L'Alsace-Lorraine a été à travers les siècles un enjeu entre deux grandes puissances européennes et notre le cours de notre Histoire n'a pas été un long fleuve tranquille. Combien d'entre-nous comptent arrière-grands-pères, grands-pères, oncles, tantôt français, tantôt allemands, qui ont loyalement versé leur sang pour leur patrie du moment. Morts ou disparus loin de leur Heimet. Russie, Bessarabie, Normandie, Lettonie, Italie, Indochine, Algérie. Ils furent environ 30000 hommes à périr entre 1914-1918, 40000 en 40-45. Pour le reste, les survivants, ce sera le retour au pays, dans l'uniforme du vaincu, le sentiment de honte et le mutisme qui l'accompagnent. "Darinnen liegt begraben, so mannicher Soldat". Le célèbre chant populaire d'antan "O Straßburg" est là pour nous rappeler le lourd tribu payé par notre pays. Cependant, 90 ans après cette première boucherie moderne, qu'en ont retenu les Alsaciens?

Il y a chez l'Alsacien un défaut de mémoire que n'ont pas d'autres peuples conscients et fiers de ce qu'ils sont. Car notre Histoire complexe, peut-être trop difficile à assumer, a tout simplement été remplacée par une image vulgairement simpliste et partiale. Une image à forte dominance bleu-blanc-rouge. Les cérémonies hautes en (tri)couleurs, les discours patriotiques, les lettres de "Poilus" récités dans une langue inconnue de nos ancêtres, les Marseillaises chantées avé l'accent par les élèves de primaire sont là pour nous prouver que les Alsaciens-Lorrains, alors sous uniforme Feldgrau, sont morts le cœur français! Face à cette falsification, personne ne s'étonnera que sur nombre de cénotaphes d'Alsace-Moselle, est gravé pudiquement "à nos morts" et non "morts pour la France" comme c'est le cas outre-Vosges. L'Histoire, nous le savons, est toujours réécrite par le vainqueur mais ce vernis opaque, lui, se fend petit à petit puis fini par disparaitre. Tout n'est qu'une question de temps... du temps pour comprendre enfin notre Histoire et rendre hommage à ceux qui sont tombés.

Conscients des nationalismes destructeurs, nous appelons à la construction d'une Alsace émancipée, consciente de son Histoire à la fois riche et complexe, de son héritage culturel et de son importance géographique. Qu'elle devienne un pont entre l'Europe de l'Ouest et la Mitteleuropa, ancrée dans une Europe résolument fédérale et respectueuse des identités charnelles. Telle était la vision à la fois pacifique et moderne tant désirée par nos aïeux. Europa. Telle est notre destinée. Telle sera la voie à suivre pour nous et les générations futures. Tel sera le défi à relever. Treue Heimet! Elsass!


Müsst nur den Gedanken wagen
und ans andre Ufer sehn:
Tausend Brücken sind zu schlagen,
tausend Tore offen stehn

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