Le psittacisme étant à l’art journalistique ce que la fourberie est à la pratique politique, l’ancien sherpa de François Mitterrand, l’inénarrable Jacques Attali, a donc remis son rapport au président Sarkozy. Le sherpa, non, non, ce n’est pas le guide de montagne des régions himalayennes, Mitterrand se contentait de la roche de Solutré, mais c’est l’ami du président qui gravitait déjà dans les hautes sphères du pouvoir élyséen.
Le nouveau président, donc, en toute indépendance, avait demandé à l’ancien sherpa de présider une commission indépendante pour la « libération de la croissance ». Eh oui, contrairement à Chirac, la croissance est prisonnière et le très libéral et cosmopolite Attali, socialiste à ses heures perdues, veut la libérer. Jusque là tout va bien.
Plus de flexibilité, plus d’immigration, plus de dérégulation, moins de frontières, le monde est un village, la mondialisation heureuse et le libéralisme, armé des certitudes de ses dogmes, dure avec les humbles mais si tendre avec les puissants, donne des leçons d’universalisme à une gauche franchouillarde dont il est désormais le seul horizon. Non vraiment, tout va bien. «Si certains ont été effrayés par le contenu de vos propositions, moi je les trouve plutôt raisonnables dans l'essentiel» fanfaronne le président de tous les français.
« Sarkozy rejette deux propositions du rapport Attali » titre le Figaro. Trois cent seize propositions, trois cent quatorze proposition de bon sens, en fait. Sarkozy ne veut pas qu’on touche au principe de précaution. Soit. C’est la première proposition rejetée par notre président omniscient.
La deuxième est la suppression des départements. On ne sait pas toujours ce qui se passe dans la tête d’un homme, ancien sherpa ou pas. Monsieur Jacques Attali aurait pu décréter les marées noires bénéfiques à la faune et la flore de Bretagne, monsieur Jacques Attali aurait pu proposer le référendum d’initiative populaire, la sortie de la zone euro ou l’indexation de la rémunération des élus du peuple sur le taux d’inflation. Non. Monsieur Jacques Attali est un visionnaire, monsieur Jacques Attali est un artiste. A deux mois des municipales, et donc aussi des cantonales, il remet en main propre au président de la république une et indivisible un rapport proposant gentiment, entre trois cent quinze autres propositions, de supprimer les départements. Départements qui avaient précisément été crées dans le but de saucissonner et de détruire les anciennes provinces, provinces qui préexistaient au royaume de France, et dont certaines étaient de véritables nations. Supprimer les départements c’est donc, de fait, reconstituer les anciennes provinces que
Si notre sherpa a pu formuler une telle proposition, proférer une telle absurdité, c’est certainement que perdu dans une vision purement technocratique et rationaliste du monde, il a simplement oublié que son travail et la vision du monde qui l’anime ne constituait pas à réanimer le sentiment d’appartenance régional ou national, mais simplement à œuvrer à son extinction progressive.
Les élus de notre belle République, rompus à l’orthodoxie républicaine et rendus hagards par les échéances de Mars, n’ont pas oubliés, eux, sur quoi s’est fondée
Alors quoi ? Sarkozy est un bouffon tragique ? Nos politiques sont des carriéristes rompus à la langue de bois et acquis à l’air du temps ? Certes. L’actualité politique ressemble étrangement à un cirque. Mais la politique est chose sérieuse, il ne faudrait pas la laisser trop longtemps aux mains de nos politiques sans les surveiller.
Liberté d’expression, fédéralisme, subsidiarité, référendum et initiative populaire, si la souveraineté populaire a un sens, nous devons bien reconnaître, nous alsaciens, que nous ne sommes que très moyennement souverains.
Et pourtant la terre tourne, nous restons lucides et déterminés, des clowns plus ou moins pathétiques jouent leur rôle devant des caméras et dans des ministères. Nous sommes les spectateurs. Et nous ne sommes pas dupes.
Les acteurs ne le savent certainement pas. Notre sherpa du moment n’est pas au courant .Mais c’est pourtant ainsi : ils sont nus devant nos yeux. Et c’est pourquoi, malgré tout ce cirque, nous demeurons libres. L’avenir est ouvert.
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